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« Obtenez les outils pour déceler le vrai du faux et vous faire votre propre opinion sur ce que vous achetez »

La question des taux de CBD maximum dans des variétés à -0.2% de THC (et dans une moindre mesure celles à 1%) à déjà fait couler beaucoup d’encre et suscité de nombreux débats jusque sur notre site. Certains shops proposent en effet des variétés -0.2% THC avec des taux de CBD dépassant les 12%, ce qui vous l’avez sûrement déjà lu ici, est très peu probable, voire impossible. Pourtant certains prétendent, parfois analyses à l’appui qu’ils possèdent de telles variétés. Alors qu’en est-il réellement ? Comment démêler le vrai du faux, le naïf du malhonnête ? Pour ce faire, nous vous proposons donc un petit résumé qui rassemble de l’information sur les taux de CBD, les méthodes d’analyses et les potentielles arnaques.

Analyses en laboratoire

Il existe plusieurs types d’analyses que l’on peut effectuer sur un échantillon de fleurs CBD. Tout d’abord on peut distinguer deux types d’analyses très différentes, celle des taux de cannabinoïdes et celle des terpènes.

Profil terpénique

Une analyse terpénique permet d’obtenir le profil terpénique d’un échantillon, autrement dit les taux des différents terpènes que l’on retrouve dans la fleur. Ce sont ces derniers qui vont lui donner son arôme particulier et qui auront une grande influence sur le goût lors de la combustion/vaporisation. Nous n’entrerons pas ici dans les détails, mais notez que les méthodes d’analyses des terpènes sont similaires à celles utilisées pour les cannabinoïdes.

Taux des principaux cannabinoïdes

Le deuxième type d’analyse, celle des taux de cannabinoïdes, peut se faire de différentes manières. La méthode la plus utilisée est ce qu’on appelle une chromatographie à phase liquide à haute performance (CLHP ou HPLC en anglais). C’est à ce jour la méthode la plus précise et qui permet aussi de détecter d’éventuelles trace et/ou présence de résidus d’autres substances telles que des solvants. Il existe plusieurs méthodes de chromatographie, telle que la chromatographie par partage centrifuge (CPC), la chromatographie en phase gazeuse (CPG), la chromatographie en phase supercritique (SFC) ou encore la chromatographie sur couche mince (CCM). Toutes ces méthodes présentent des avantages et inconvénients propres à chacune (rapidité, précision, coût, possibilité de détection de molécules étrangères…).

CBD, CBDA et décarboxylation

Dans le matériau végétal, on trouve généralement des concentrations en CBD relativement faibles. Par contre il est présent en plus grande quantité sous une forme acide précurseur du CBD, le CBDA (pour acide cannabidiolique). C’est ce dernier qui va se transformer en CBD à travers une réaction chimique appelée décarboxylation. Cette réaction se produit de deux manières. Une première lorsque la plante est encore vivante, et qui à lieu sous l’action d’une enzyme (acide cannabidiolique synthase). La deuxième intervient avec l’aide de la chaleur, lors de l’entreposage, la combustion ou la vaporisation. On parlera alors de décarboxylation non enzymatique (qui ne nécessite pas l’action d’une enzyme). Typiquement lors de la combustion/vaporisation, la transformation du CBDA en CBD est quasi-instantanée. Très souvent, en laboratoire, on considère que lors de l’injection dans un HPLC, sous l’action de la pression et de la température, l’échantillon de fleurs sera entièrement décarboxylé, mais nous allons voir que la réalité n’est pas aussi simple.

Analyses CBD total ou CBD + CBDA

Comme expliqué plus haut, on peut donc facilement déterminer la teneur en CBD d’une fleur par CLHP. Si on le souhaite, on peut aussi obtenir le détail entre le taux de CBD et de CBDA, mais étant donné que lors de l’injection, il y a décarboxylation, il faut tout d’abord stabiliser les molécules de CBDA afin qu’elles restent sous cette forme, pour faire simple, on va venir fixer un groupe fonctionnel sur la molécule qui permet d’augmenter sa stabilité face à la chaleur. Dans ce cas, dans les résultats d’analyses, on obtiendra un taux de CBDA et de CBD qu’il faut additionner pour obtenir le CBD total. Le taux de CBD total est le plus représentatif de l’activité pharmacologique de l’échantillon, car on considère que tout le CBDA sera transformé lors de la combustion/vaporisation.

Variation dans les résultats d’analyse

On expliquait plus haut que certains laboratoires considèrent que la matière végétale subit une décarboxylation totale lors de l’analyse par CLHP (aussi vrai pour d’autres formes de chromatographie telle que la CPG). Or, c’est en réalité, plus subtil que ça. Il existe un grand nombre d’appareil de CLHP (et CPG) différents. La température d’injection, la pression, mais aussi la forme et taille des injecteur vont impacter la décarboxylation qui peut ne pas être complète. Dans certains cas, une température trop élevée, peut même dégrader une partie du CBD déjà formé. C’est pourquoi, il est impératif pour chaque méthode de s’assurer qu’elle soit maîtrisée et que le CBDA est bien entièrement transformé et qu’il n’y a pas de perte de CBD. Pour cela, le plus simple est de décarboxyler la matière végétale avant d’analyser le taux de CBD (il suffit de la faire chauffer à une température de 100-150˚C durant 20-30min). On évite ainsi des erreurs liées à une transformation incomplète du CBDA et il sera plus facile de vérifier une éventuelle dégradation d’une partie du CBD lors du passage dans l’appareil d’analyse.

Voies métaboliques de création du CBD et ratio THC/CBD

On nous demande souvent pourquoi il n’est pas possible de trouver des variétés de cannabis CBD -0.2% THC ayant des taux de CBD dépassant les 12%, nous l’avons déjà expliqué dans un précédent article, mais ici nous allons décrire rapidement la voie de fabrication du CBD à l’intérieur de la plante de cannabis. La biosynthèse du CBD dans la plante passe par plusieurs formes moléculaires appelées précurseurs. Sans trop rentrer dans les détails, un de ces précurseur se nomme acide cannabigérolique ou CBGA (Figure 1) et il est susceptible de se transformer en CBDA (Figure 2) ou en THCA (Figure 3) sous l’action d’enzymes, respectivement la CBDA synthase et la THCA synthase. Ces deux molécules sont elles-mêmes les précurseurs du CBD et du THC. Tout ceci nous explique pourquoi il est très difficile voir impossible d’obtenir une plante qui produirait des taux de CBD énormes et des taux de THC très faibles. Il y aura forcément un ratio THC/CBD qui ne pourra pas dépasser certaines limites.

Figure 1 Acide Cannabigérolique (CBGA)
Figure 2 Acide Cannabidiolique (CBDA)
Figure 3 Acide Tétrahydrocanabinique (THCA)

Aujourd’hui, le ratio le plus important jamais répertorié est de 1/62, bien que les génétiques avoisinant les 1/50 soient déjà rarissimes et que, pour la plupart, ces génétiques hors du commun sont gardées précieusement par les sélectionneurs et utilisées le plus souvent dans des productions destinées à l’extraction. Alors, bien sûr, certaines personnes peu scrupuleuses vous diront qu’elles possèdent ces variétés incroyables et que les taux affichés en CBD sont naturels, mais en réalité la majeure partie des génétiques que l’on trouve dans le commerce et qui sont facilement disponibles pour les producteurs possèdent le plus souvent des ratios compris entre 1/20 et 1/30. Ces limites sont susceptibles d’évoluer dans le temps avec la création et la diffusion de nouvelles génétiques, mais pour le moment, si vous êtes face à une fleur que l’on vous vend comme de la -0.2% THC avec un taux de CBD qui dépasse les 12,4% (0,2 x 62 = 12,4), c’est tout bonnement impossible. Notez aussi qu’en réalité, étant donné qu’il y a de la variabilité naturelle chez les plantes, il est très risqué d’avoir des variétés qui s’approchent trop de la limite de 0.2%, car certaines plantes risqueraient de la dépasser ce qui entraînerait des pertes de revenu énorme pour le producteur. C’est pourquoi dans la pratique on retrouve des plantes avec des taux de THC plus proches de 0.11-0.15%. En conclusion, si on prend un ratio THC/CBD et un taux de THC plus réaliste, on arrive à des taux de CBD compris entre 2,2% (0.11x 20) à 4,5% (0.15 x 30). Alors, désormais si vous tombez sur des fleurs -0.2% THC annoncées avec des taux qui dépassent les 6-8% méfiez-vous et posez-vous les bonnes questions.

Vérifiez qu’il s’agit bien d’une plante à 0.2% de THC et pas du 1%, car dans ce cas les taux de CBD peuvent être bien plus importants. Si il est disponible, allez voir le rapport d’analyse et si celui-ci continue d’affirmer un taux de 12% (ou plus) avec moins de 0.2% de THC, n’hésitez pas à contacter le laboratoire avec le numéro de référence de l’analyse pour vérifier que celle-ci n’a pas été falsifiée. Vérifiez aussi lorsque vous êtes face à une analyse qui donne le taux de CBDA et CBD, que le taux de « CBD total » est bien la somme du CBDA et du CBD et que rien n’as été comptabilisé plusieurs fois ou que d’autres cannabinoïdes ont étés additionnés. Si toutefois tout semble être en ordre. Rappelez-vous qu’il reste possible d’augmenter artificiellement les taux de CBD en ajoutant directement sur les fleurs des cristaux de CBD purs (sous forme diluée pour être pulvérisée). Dans ce cas, c’est probablement le vendeur ou le producteur qui aura triché sur les taux. Les laboratoires eux, font le plus souvent les choses correctement  et risqueraient de grosse répercutions légales en cas de tromperie. Il est donc très peu probables qu’ils soient à l’origine d’une éventuelle falsification. Toutefois, ne tirez pas non plus de conclusion trop hâtives et n’allez pas critiquer ouvertement quelqu’un, si vous n’avez pas la preuve qu’il y a eu manipulation. Beaucoup de gens ignorent tout simplement ces histoires de ratios CBD/THC et lorsque c’est clair qu’il y a un problème de taux, il est toujours difficile de savoir qui du producteur ou du/des revendeurs est fautif.